Marcher à Roye : les chemins racontent (aussi) la mémoire

14 octobre 2025

Balade dans le vieux Roye : sur les traces médiévales


Difficile de commencer ailleurs qu’au cœur même de Roye. Le centre-ville n’a plus les remparts du Moyen Âge, mais il recèle d’indices persistants. Départ, bien entendu, place de l’Hôtel de Ville. Avant même le premier pas, un chiffre : plus de 80% des bâtiments du centre ont été reconstruits après la Première Guerre mondiale (source : Service régional de l’inventaire, Hauts-de-France).

  • L’Hôtel de Ville (époque Renaissance, restauré dans les années 1920) : sur sa façade, un motif sculpté évoque un trousseau de clés, clin d’œil aux anciens remparts et à la vigilance d’antan.
  • L’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul : impossible de manquer son porche monumental et ses vitraux modernes. Cette église a été dynamitée en 1918, puis reconstruite entre 1928 et 1935. Les détails Art déco du mobilier surprennent ceux qui s’attendent à du strict gothique !
  • Le chemin des Douves : en descendant vers l’est depuis la place, un sentier enherbé longe l’ancien tracé des fortifications. Sur 400 mètres, on peut observer les différences de niveau du sol, témoin en creux des anciennes douves. Par endroits, des panneaux photos montrent des vues de Roye avant 1914.

Ce circuit fait moins de 2 kilomètres. L’idéal pour une balade digestive tout en touchant du doigt la tumultueuse destinée de Roye, ville de garnison souvent convoitée depuis le XIIe siècle.

Du côté du Bois Rase : à la croisée des guerres


À deux pas du centre, le Bois Rase offre sa tranquillité aux joggeurs matinaux comme aux marcheurs d’histoire. Long d’environ 3,5 km (aller-retour), ce parcours file vers la campagne, là où, en juillet 1916, résonnaient encore les canons de la Bataille de la Somme (source : Mission du Centenaire 14-18).

  • Stèle du Bois Rase : un monument discret rappelle ici la libération de Roye en 1918 par les forces françaises et britanniques.
  • Ancien tracé du “Sentier du Ravin” : on y devine encore aujourd’hui des entailles dans la terre, vestiges d’abris ou de tranchées.
  • Panorama champêtre : arrivé à la limite du bois, on profite d’une vue plongeante sur les vallons et l’ancien réseau de petits villages alentour. Par temps clair, le beffroi de Roye perce l’horizon.

Le Bois Rase, c’est la mémoire en marche, pas à pas, entre le chant des oiseaux et la rumeur lointaine d'une époque plus sombre.

Sur le chemin de la Paturelle : retour vers les marais d’autrefois


Peu de promeneurs pensent à la boucle de la Paturelle, au sud de Roye. Cette balade de 6 km apporte pourtant l’une des lectures les plus vivantes du patrimoine naturel et rural local.

  • Les anciens marais : jusqu’au XIXe siècle, Roye possédait 107 hectares de marais au sud de la ville (source : IGN, carte topographique Roye 2023). Ils fournissaient le roseau pour les toitures, ou parfois la tourbe pour se chauffer.
  • Chemin de halage : la Brache, modeste rivière parfois invisible, longe la route. Jadis, des chevaux tiraient sur ses berges les péniches de marchands allant jusqu’à Péronne ou Amiens.
  • Faune discrète : hérons, grèbes, loutres de passage — la boucle de la Paturelle, c’est le bon plan pour sortir la paire de jumelles. À l’automne, on y croise parfois des photographes animaliers venus de loin !

Ce secteur est l’endroit rêvé pour toucher du doigt la Roye rurale, celle qui vivait autour de ses eaux, bien avant que l’autoroute ne zèbre les champs.

Marche sur la Voie Romaine : quand l’antiquité croise la modernité


Le nom intrigue : la Voie Romaine, ou Chaussée Brunehaut, reliait jadis Vermand, Arras, puis Amiens. Un pan du tracé traverse encore le territoire de Roye, à l’est de la ville. Difficile d’imaginer, mais ce chemin a vu défiler les légions de Jules César comme les voyageurs du Haut Moyen Âge.

  • Ancienne borne milliaire (non accessible, mais visible depuis la route) : vestige rare, elle marquait jadis une étape entre Samarobriva (Amiens) et Augusta Viromanduorum (Saint-Quentin).
  • Paysages agricoles : en empruntant la “Chaussée”, on découvre rangés de blé, de colza, de betteraves sucrières. Ici, marcher, c'est lire sur le paysage les traces de l’exploitation agricole moderne, qui ont remplacé champs ouverts et pâturages médiévaux.

Pour les amateurs de randonnées longues, la Voie Romaine est un segment du GR 123 (sentier de grande randonnée traversant la Somme), parfait pour allier histoire, botanique et jambes qui tirent.

Petite escapade aux alentours : trois idées de boucles riches en histoires


  • Roye - L’Étang Saint-Ladre - Liancourt-Fosse (8 km) : ce circuit mèle étendues humides, moulins des siècles passés et anciennes fermes picardes. L’étang Saint-Ladre, classé réserve biologique, rappelle l’importance de la pêche et de la chasse aux canards dans la vallée de l’Avre.
  • Boucle Roye - Marchélepot - Deuillet (12 km) : pour ceux qui veulent pousser un peu, ce tour plonge dans un secteur marqué par les combats de 1914-1918 (on y trouve, en bord de route, des croix commémoratives et des panneaux expliquant la libération progressive du secteur).
  • Sur les traces des cabourés : cette ancienne tradition consistait à utiliser la cendre de bois pour murer les caves à fromages et légumes. La boucle (5 km) relie plusieurs caves anciennes, en partie creusées dans les buttes autour de Roye. Anecdote : la famille Gervais, qui commerçait sur les marchés locaux dans les années 1920, utilisait encore ce procédé jusqu’après la Seconde Guerre mondiale (source : “Chroniques de Roye” de Marcel Chavatte, éd. 2009).

Documents, applis et ressources pour préparer vos balades


  • Office de Tourisme du Grand Roye : propose des topoguides papier ou PDF, à retrouver ici.
  • IGN Rando : la carte “Roye et ses alentours” (TOP25 n°2408O) offre le meilleur aperçu des chemins balisés.
  • Application Cirkwi : de nombreux circuits y sont référencés, avec explications du patrimoine en chemin.
  • Application Géocaching : pour marcher en famille… et découvrir des anecdotes via des “caches” placées dans les lieux historiques !

Entre chemins connus et sentiers à (re)découvrir


À Roye, randonner ce n’est pas juste marcher : c’est, sans trop y penser, renouer avec mille petites histoires. Celles qu’on voit, celles qu’on apprend, et tant d’autres qu’on devine au détour d’un vieux noisetier ou à l’ombre d’une enseigne fatiguée. Le vrai patrimoine, finalement, c’est peut-être l’envie de sortir du cadre, d’oser la bifurcation, de tendre l’oreille aux récits du chemin. Les sentiers sont là, à portée de pas, et ils n’attendent qu’un prétexte pour vous embarquer ailleurs… ou chez vous, mais en mieux.

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