À la rencontre des lieux-publics, témoins de la mémoire collective à Roye

11 août 2025

Les places : le cœur battant de la mémoire collective


À Roye, la mémoire se tisse souvent autour d’une place. La plus évidente, c’est celle de l’Hôtel de ville, avec sa silhouette unique, marquée par les épreuves et les renaissances.

  • La place de l’Hôtel de ville : C’est ici que se retrouvent les habitants pour les marchés mais aussi pour fêter, protester, s’émouvoir ensemble. Après la Seconde Guerre mondiale, c’est donc sur cette place que Roye a pansé une partie de ses plaies, lors de la reconstruction. En France, la municipalité a d’ailleurs comptabilisé plus de 80 % des bâtiments du centre détruits lors des guerres (source : Mémoires de Roye, Archives départementales de la Somme).
  • Les Halles : Il s’agit bien plus que d’une halle commerciale. Ce point névralgique, repensé dans les années 1920 et récemment restauré, accueille le marché du vendredi (près d’une cinquantaine de commerçants, d’après la mairie). Aux Halles, chaque étal raconte une histoire, parfois très ancienne.
  • La Place du Général Leclerc : Enfant du XXe siècle, elle porte le souvenir de la Libération. On s’y rassemble chaque 25 août, jour commémoratif, mais c’est aussi un carrefour de passage quotidien, entre hier et aujourd’hui.

Monuments et édifices, mémoire gravée dans la pierre


La force de certains édifices, c’est de nous rappeler, chaque fois que l’on lève les yeux, que notre histoire est faite de coups durs et de renaissances.

  • L’Hôtel de Ville : Joyau de style néo-Renaissance, il incarne l’esprit royen. Détruit en 1918, reconstruit entre 1925 et 1929 (architecte : Paul Bigot), il s’élève grâce aux dons et à l’opiniâtreté des habitants et de l’État (source : Base Mérimée, Ministère de la Culture). Impossible de manquer la frise sculptée représentant la reconstruction, une image forte du collectif à Roye.
  • L’église Saint-Pierre : Classée monument historique, détruite pour partie et rebâtie dans les années 1930 (par Pierre Lemercier), elle demeure au cœur de toutes les cérémonies collectives — messes de Noël, mariages, commémorations. On y voit encore les traces des violences de la guerre, mais aussi la foi en la résilience locale.
  • Le Monument aux Morts : Face à la mairie, l’imposant monument, inauguré en 1922, porte plus de 400 noms. Chaque 8 mai ou 11 novembre, des générations s’y retrouvent : ici, la mémoire ne faiblit pas.

Marchés et foires : l’âme populaire de Roye depuis des siècles


S’il y a bien un lieu vivant de la mémoire collective, c’est le grand marché hebdomadaire. Roi dans le paysage local, il rassemble les Royens de toutes générations.

  • Le marché du vendredi : Il date du Moyen Âge, mentionné dès le XIIIe siècle (source : Archives communales). Il attire aujourd’hui entre 1 200 et 1 500 personnes chaque semaine. Sous les Halles, on ne fait pas que remplir son panier : on relaie les nouvelles, on discute de la pluie, et on transmet les anecdotes familiales ou locales.
  • Les foires traditionnelles : Si elles sont moins nombreuses qu’autrefois (la fameuse Foire de la Saint-Martin a disparu dans les années 70), on en retrouve l’héritage dans le calendrier : brocantes, marchés du terroir ou journées associatives, qui perpétuent un précieux esprit communautaire.

Patrimoine de mémoire : les traces visibles et invisibles


Certains lieux ne sautent pas toujours aux yeux, mais ils sont essentiels car ils relèvent de la mémoire partagée, parfois intime, jamais oubliée.

  1. Le Jardin public : Aménagé à la fin du XIXe siècle, remis en valeur après 1945, il est un poumon vert où s’écrivent les souvenirs d’enfance et de flâneries. On y croise des arbres multi-générationnels témoins de tant d’époques.
  2. L’ancienne gare : Jouant un rôle crucial pour Roye jusqu’à sa fermeture passagers en 1938, elle illustre l’essor économique du XIXe siècle, mais aussi la mobilité d’autrefois (source : Chemins de fer de la Somme, patrimoine ferroviaire local).
  3. Boulodrome et terrains sportifs : Pour les plus anciens, jouer aux boules près des remparts ou sur la plaine, c’est perpétuer l’ambiance des dimanches “à la Picarde” : une tradition d’entraide et de rivalités bon enfant.

Au fil des rues : mémoire populaire et petits secrets


La mémoire collective ne se limite pas aux grands monuments. Elle est tapie dans les rues, gravée dans la toponymie et les petits lieux du quotidien.

  • Rue Saint-Martin : Cœur battant des commerces d’antan, elle a changé de visage à chaque génération. On y lisait les journaux, on y discutait politiques ou football — selon les époques.
  • Les anciens remparts : S’ils n’existent plus entièrement, ils restent présents dans l’imaginaire local. Quelques vestiges subsistent au nord, là où des parents racontent encore aux enfants l’histoire de la défense de Roye, plusieurs fois assiégée entre le Moyen Âge et la Grande Guerre.

Espaces d’échange : la mémoire se construit aussi ici


Les lieux culturels et associatifs incarnent aujourd’hui une mémoire en mouvement, pas toujours évidente à saisir, mais essentielle au tissu local.

  • Le Centre socioculturel Louise Michel : Créé dans les années 1980, il accueille de nombreux ateliers, journées à thème, expositions. C’est ici que les souvenirs du Roye d’hier se transmettent aux nouvelles générations, par le biais d’initiatives citoyennes.
  • La Médiathèque Hélène Bernard : Inaugurée en 2008, ce lieu moderne accompagne les curieux dans la découverte du passé royen, gardant précieusement les archives locales numérisées, mais initiant aussi des rencontres autour des films ou des livres qui racontent la région.
  • Les écoles et collèges : Si les enfants foulent aujourd’hui leurs cours de récréation, ces établissements conservent aussi les traces de leur rôle pendant les conflits mondiaux — hébergement d’officiers, écoles d’urgence, refuges pendant les bombardements (source : témoignages recueillis lors des Journées du Patrimoine, 2019).

Des lieux de recueillement aux sites oubliés : une mémoire en filigrane


Il existe aussi toute une géographie discrète, parfois en marge, qui continue à écrire la mémoire collective.

  • Cimetière militaire britannique : Créé pour accueillir les soldats tombés lors des batailles de 1918, ce site entretenu par le Commonwealth War Graves Commission garde la mémoire de centaines de soldats venus de loin, et l’impact de Roye dans l’Histoire mondiale.
  • Cimetière communal : Reflet de la vie locale depuis des siècles, il recueille nombre de stèles de notables, artisans et familles royenes, véritables pages de la vie de la cité.
  • Le kiosque à musique : S’il n’est plus aussi animé qu’à sa grande époque (années 1930 à 1960), il reste dans la mémoire comme le lieu privilégié des concerts en plein air, havre pour des dimanches “à la fanfare”.

Entre mémoires et nouveaux usages : comment transmettre demain ?


Chaque génération écrit à sa manière l’histoire de Roye. Si les lieux changent parfois de fonction — ancienne école devenue espace associatif, commerce transformé en salon de thé, ou place redessinée — la mémoire, elle, se réinvente avec. Le défi des prochaines années ne sera pas seulement de conserver la pierre : mais bien d’en faire des lieux vivants, partagés, où l’on continue de se raconter l’histoire autour d’un café ou d’un banc.

À Roye, on trouve donc mille façons de croiser notre mémoire collective : dans la pierre, les places, les allées du marché, mais aussi dans le regard des plus anciens ou le dynamisme des plus jeunes. La mémoire s’entend ici, autant qu’elle se regarde.

Sources principales utilisées :

  • Mémoires de Roye, Archives départementales de la Somme
  • Base Mérimée, Ministère de la Culture
  • Chemins de fer de la Somme, patrimoine ferroviaire
  • Témoignages recueillis lors des Journées du Patrimoine 2019
  • Mairie de Roye, chiffres officiels du marché
  • Commonwealth War Graves Commission (pour le cimetière britannique)

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