Sur les traces de la mémoire : marcher et se souvenir à Roye et aux alentours

30 août 2025

Roye, ville d’histoire(s) marquée


Coeur de la Haute-Somme, Roye ne s’est jamais vraiment remise, ni jamais vraiment oubliée. Ravagée en août 1918 par les bombardements alliés lors de la contre-offensive décisive (source : Chemins de Mémoire), puis à nouveau durement touchée en 1944, la ville porte encore les empreintes de ces deux conflits majeurs. Au fil des rues, les lieux de mémoire jalonnent les parcours quotidiens des habitants comme des visiteurs de passage.

  • 1918 : 80% de la ville détruite – Roye est anéantie par les obus à la fin de la Première Guerre mondiale. L’hôtel de ville, les écoles, les maisons… tout doit être reconstruit. Même la cathédrale gothique de Saint-Pierre fut gravement endommagée.
  • 1940-1944 : L’Occupation allemande marque Roye d’événements tragiques : résistants fusillés, habitants déportés, église à nouveau atteinte lors de la Libération.

La Place d’Armes et l’Hôtel de Ville : symbole d’un renouveau à la force du souvenir


Debout au centre de Roye, l’Hôtel de Ville donne le ton : une architecture néo-classique, fruit d’une reconstruction exemplaire, inaugurée en 1929. Sur sa façade, la plaque commémorative – « Roye, ville martyr de la Somme » – rappelle la brutalité de 1914-1918. Plusieurs cérémonies y sont organisées chaque année, notamment le 11 novembre et le 8 mai.

  • La Place d’Armes : coeur battant, théâtre d’hommages et de rencontres patriotiques. On peut encore y apercevoir des pavés posés juste après-guerre.
  • L’Hôtel de Ville : symbole de persévérance, classé « site remarquable de la reconstruction » (source : Inventaire général, Région Hauts-de-France).

Nécropoles et cimetières militaires, témoins silencieux au fil des villages


À quelques pas de la ville, les croix immaculées des nécropoles rappellent que le Pays de Roye fut le théâtre de féroces combats, tout autour de la ligne de front de la Somme. Le chiffre donne le vertige : plus de 75 000 morts pendant la Première Guerre dans les communes avoisinant Roye, dont 11 000 soldats inhumés rien qu’à la nécropole nationale de Roye.

Nécropole nationale de Roye

  • Localisation : Route de Paris, à la sortie sud de la ville.
  • Caractéristiques : 11 579 corps de soldats français (dont 2 156 en ossuaires), tous tombés principalement durant les combats de 1914 et 1918.
  • Une particularité : Des stèles individuelles pour certains soldats musulmans de l’Armée coloniale. À découvrir : les épitaphes en arabe, un témoignage méconnu de la diversité des troupes de l’époque (source : Ministère des Armées).

Cimetière militaire britannique de Roye New British Cemetery

  • Implantation : Sur la D934, direction Amiens.
  • 440 tombes britanniques, toutes alignées en domino – une certaine sobriété, dans la tradition de la Commonwealth War Graves Commission.
  • Ces tombes rappellent que la libération du secteur, à l’été 1918, s’est faite dans la douleur, par des hommes venus d’Écosse, du Pays de Galles ou du Canada notamment.

D'autres cimetières à découvrir dans les environs immédiats

  • Fresnoy-les-Roye (petit cimetière allemand, vestige des combats de 1914-1915)
  • L'Epine aux Bois (ossuaire communal, plaques commémoratives et tombes de résistants)

Monuments, plaques et lieux insolites sur les traces du passé


On connaît les grands sites… et puis il y a toute une galaxie de petits points de mémoire qui émaillent les villages et la campagne autour de Roye. Facile à intégrer lors d’une balade à vélo ou d’un détour en voiture !

Les plaques de rues : des fragments d’histoire

  • Rue du Colonel Fabien : hommage à l’un des chefs de la Résistance communiste, abattu à Paris en 1944. Un rappel qu’ici, l’engagement a parfois coûté la vie (source : Mémoire des Hommes).
  • Avenue du Général Leclerc : lors de la Libération, la 2e DB passa à quelques kilomètres de Roye à la mi-août 1944, ouvrant la route vers Paris.

Monuments et stèles à chaque carrefour ou presque…

  • Stèle des Otages (Roye, avenue du Marechal Foch) : dédiée à la mémoire des otages fusillés par les Allemands lors de représailles en 1944. Un lieu modeste mais poignant, sur la route principale.
  • Monument aux Morts sur le parvis de l’Hôtel de Ville : érigé dès 1921, déplacé lors de la reconstruction, il porte aujourd’hui plus de 260 noms d’enfants de Roye « morts pour la France ».
  • Les “livrets de mémoire” : plusieurs écoles et associations locales proposent, depuis les années 2010, des feuillets retraçant les parcours de familles juives cachées ou déplacées à Roye – à demander à la médiathèque municipale.

L’église Saint-Pierre, reconstruite, mais encore marquée

Incendiée à trois reprises (1918, 1940, 1944), l’église Saint-Pierre fut rebâtie plusieurs fois, dans son style gothique tardif d’origine. L’intérieur abrite quelques plaques rares : à côté du choeur, une dédicace aux “fusillés de Roye”, résistants départementaux exécutés par les nazis en 1944.

Sur les chemins de la mémoire : balades à la clef autour de Roye


Impossible d’évoquer la mémoire sans pousser sur les chemins alentours. Plusieurs itinéraires permettent de sortir des sentiers battus (parfois littéralement !).

Itinéraires “mémoire” entre Roye, Lihons et Chaulnes

  • À pied ou à vélo : Suivre le circuit balisé “Sur les traces de la Grande Guerre”, de Roye à Lihons (18 km), qui traverse notamment la nécropole nationale, le monument au 7e Chasseurs Alpins à Beuvraignes, et les ruines de l’ancien hôpital militaire de Lihons (source : Sentiers de mémoire Somme Tourisme).
  • Chaulnes : Le monument à la division marocaine (1918) rappelle la bravoure des troupes coloniales – autre “face cachée” des combats de la Grande Guerre dans la Somme.

En voiture ou moto, sur les routes de campagne

  • Bouillancourt-la-Bataille : stele à la mémoire de trois aviateurs alliés abattus en juin 1944, récemment rénovée par le Souvenir Français (2023).
  • Beuvraignes : Monument aux résistants du réseau “Osy”, infiltré par la Gestapo en 1944 – les familles du coin se souviennent encore du drame de l’été 44.
  • Villers-lès-Roye : Stèle de l’avion Lancaster : à l’entrée du village, petit obélisque à la mémoire d’un équipage britannique tombé en 1944, entretenu par des bénévoles français et britanniques.

La mémoire vivante : cérémonies, commémorations et initiatives locales


Venir voir les lieux de mémoire, c’est bien. Assister à une cérémonie ou participer à un événement, c’est comprendre la place qu’occupe encore cette histoire dans la vie du territoire.

  • Commémorations de la Libération : Le 29 août, les cloches de Saint-Pierre sonnent chaque année pour rappeler la Libération de Roye, première grande ville de la Somme libre en 1944.
  • 11 novembre, 8 mai : Rassemblements devant le monument aux morts, lectures de lettres de poilus ou de témoignages d’enfants de déportés.
  • Balades guidées organisées par l’office de tourisme : Des visites à thème “sur les pas des poilus” ou “la mémoire résistante” entre mai et octobre (gratuites pour les scolaires).
  • Médiathèque de Roye : Chaque trimestre, exposition temporaire sur une page d’histoire locale – par exemple, sur les convois d’enfants évacués en 1940 ou la vie des femmes sous l’Occupation.
  • Souvenir Français - Section de Roye : Entretiens des tombes, collecte de témoignages, ateliers mémoire avec les collégiens.

À quoi bon se souvenir ? Une aventure à partager


Les lieux de mémoire à Roye et autour, ce sont autant de portes ouvertes sur la petite et la grande Histoire. Ce territoire n’a pas oublié ses morts et ses héros anonymes. Mais tout cela vit surtout grâce à ceux qui font l’effort, une fois, d’aller voir, de s’attarder, de lire une épitaphe. Se perdre sur les chemins, lever la tête devant une stèle, écouter un habitant raconter à voix basse “ce que mon grand-père a vécu ici”. Voilà ce qui donne toute sa saveur à la mémoire, chez nous.

À chacun son itinéraire : solennel ou buissonnier, studieux ou curieux. Mais une chose est sûre, on ne traverse pas Roye sans marcher, aussi, sur les pas de l’Histoire.

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